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Myriam SégalLe Quotidien
Le maire de Saguenay a lancé une consultation sur la tonte des pelouses. Sans expliquer pourquoi, ni combien de plaintes cela génère chaque année, il sort d’un chapeau de paille l’idée d’interdire de passer la tondeuse sur nos petits lopins le dimanche. Il décrète: «on aura six jours pour le faire».Puis, il y a renoncé, sans plus de justifications. Cela me rassure que notre maire soit capable de recul quand il sort une idée à l’improviste, comme ses lettres géantes sur le bord de La Baie, fluorer l’eau, ou honnir la tondeuse le dimanche!
On le soupçonne toujours de quelque toquade religieuse, mais d’autres villes ont légiféré là-dessus sans être dirigées par des bigots.
Civisme
Certaines le font parce que de plus en plus de citoyens confient maintenant cette tâche débilitante à des compagnies qui risquent de tondre tant que ce n’est pas interdit, pour rentabiliser au max équipement et personnel. À nous, clients, de placer des limites dans les contrats. Pas aux villes.
Les municipalités essaient toujours par règlement de compenser le manque de civisme de certains mufles… et le manque de courage de leurs voisins, trop timorés pour leur demander de refréner le taille-haie, le taille-bordure, le chasse-feuilles, la laveuse à pression, la tondeuse, la scie à chaîne, et même la thermopompe quand ils reçoivent famille et amis sur leur patio.
Les trois-quarts des règlements municipaux tentent d’imposer un civisme et un dialogue élémentaires… et pourraient être remplacés par une seule loi: «entre voisins, on se respecte, on se parle».
Au lieu de se prévenir et de considérer délicatement leurs activités mutuelles bruyantes ou sociales, des malappris campent sur leurs droits sans se demander si c’est poli, correct, adéquat. «Fais ton BBQ familial annuel, moi j’ai le droit de passer ma tondeuse!» Mais en société, tout droit dont une minorité abuse finit par s’émousser et disparaître pour la majorité.
C’était aussi toute la limite du règlement proposé. Les samedis, plus propices aux fêtes et partys, pourraient bien s’avérer plus litigieux que les dimanches…
Je hais la tondeuse, mais plus encore les règlements. Par principe d’abord: avant de limiter nos libertés, démontrez-en l’absolue nécessité. Ensuite par pragmatisme: avec nos étés pourris, on attend tous la journée claire et sèche qui se glisse entre deux averses… et la Mère Nature, mauvais caractère en froid avec le bon Dieu, pourrait bien ne nous accorder ces répits climatiques que les jours du Seigneur!
De plus, il y a encore des gens qui travaillent pour payer leurs taxes et qui n’ont que leur fin de semaine, ce qui réduit à deux, et non à six, les jours potentiels de tonte. Un de mes voisins s’exile sur des chantiers lointains du lundi au vendredi. S’il pleut le samedi, quand tondra-t-il ?
Sans compter que je préfère voir la police courir le dimanche après les dangereux fous du volant qu’après les zélés inoffensifs qui prennent leur terrain pour un vert de golf!
Sus au gazon
Depuis quelques semaines défilent à ma porte des vendeurs de pelouses vertes. Weed-machin, vert-chose, «on vous fait un beau gazon». Ils quittent, horrifiés, quand je leur explique que j’aime mon gazon jaune et desséché, rétif à la repousse. Personnellement, ce n’est pas la tonte du gazon, mais le gazon lui-même que j’interdirais si j’étais dictatrice.
Cet héritage britannique ne me procure aucun bonheur en échange du travail demandé. Pour en retarder le verdissement, je laisse croûter les feuilles d’automne. J’accumule de la neige dessus, beaucoup de neige, dont je retarde la fonte pour différer la tonte! Je laisse le pissenlit l’envahir. J’ai semé à l’arrière, à l’abri du jugement des voisins, des graines de jardin sauvage qui me font un joli tapis de fleurs sans entretien! À l’avant, par respect des conventions, je me résigne à pousser la damnée machine de temps en temps.
Je déteste la tondeuse, mais je me battrais pour que vous ayez le droit de la passer!
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